Chapitre 1
Ce retour à Montréal s’avéra beaucoup plus difficile qu’elle ne l’avait anticipé. Le monde est petit et les frasques commises sur le vieux continent la suivaient comme un fantôme malveillant. Sa carrière d’intervieweuse vedette, entreprise par le plus parfait des hasards, portait maintenant le malheur accroché à elle comme un serpent enroulé autour de son cou, prêt à l’étrangler. Son visage d’enfant sous sa crinière de cheveux roux promenait comme un étendard sa physionomie. Qui ne connaissait pas Claudi Robert ?
Qui pourraient oublier ces émissions hebdomadaires retransmises jusqu’au Canada où la demoiselle animait avec brio ses reportages sous la gouverne du Point de Mire ? Ce magazine stagnait depuis quelques années avec ses chroniques et rubriques sur les têtes couronnées et autres personnages fortunés de la haute et n’attendait que la venue d’un renouveau qui s’est finalement concrétisée avec l’arrivée de Claudi. La directrice, madame Béatrice Damien, flairant la bonne affaire avec la jeune Claudi, osa proposer à la direction un changement drastique dans la forme et le contenu de leur périodique. Son élan d’audace n’était pas dénué d’intérêt personnel ; elle, comme presque tout le monde n’arrivait pas à résister à la grande beauté de la future vedette, même si dans son cas elle portait dans son cœur beaucoup plus qu’une simple admiration pour Claudi !
Le retentissant échec du Paris Monaco International, fondé par le mentor de Claudi, monsieur Ari Amy, cloua au pilori le milliardaire au passé sulfureux et coula pour toujours les chances qu’on redemande à la jeune femme de remonter sur les planches animer quelques spectacles que ce soit. Elle le savait. Son nom, maintenant associé à celui qu’on surnomme encore aujourd’hui le caïd des caïds, ne pourrait tout simplement pas s’effacer de la mémoire collective des gens. Elle était marquée au fer rouge, de la même couleur que ce superyacht, le Princess Dream.
Lorsqu’elle descendit du taxi la conduisant de l’aéroport au centre-ville avec ce billet d’avion, aller seulement depuis Paris, Claudi ne s’attendait pas à un comité d’accueil. Fini les paparazzis la bombardant de flashs, alors qu'elle régnait telle une déesse sur la Principauté de Monaco. Certes, on s’accordait tous pour affirmer qu’elle était finalement la victime d’une épouvantable machination, menée de main de maître par cet Ariboudine Amy de malheur. Tous soutenaient que le directeur de TFr7, monsieur Gérard Sanschagrin, avait usé de tous ses pouvoirs pour incriminer la pauvre Claudi sans aucune preuve formelle. Mais, le mal était fait et la réputation si difficile à établir et qui prend souvent toute une vie, s’entachait à jamais pour elle. Il n’y a pas de fumée sans feu. Des centaines de personnes témoigneraient l’avoir vu en compagnie du grand patron, Ari Amy lui-même. Certains se feraient une joie de la torpiller, jaloux de sa beauté, de son audace ou de sa perspicacité. On ne la saluerait plus dorénavant, mais c’est plutôt la tête baissée qu’on croiserait son chemin. Qui voudrait encore s’acoquiner avec une demoiselle capable de renverser les plus gros canons des médias, tels le Point de Mire ou TFr7 ? Qui pouvait jurer de son innocence complète et entière ? Qui pourrait affronter une femme qui jouissait d’une pareille réputation ? Qui se permettrait de toucher à l’ex-maîtresse de l’homme le plus recherché sur la planète sans craindre que ce dernier use de représailles ?