Du haut de mon navire, je n’en revenais pas de voir les demandes affluées. Tout le monde voulait prendre part au Jeu Mondial de la Toile. De partout, on postulait pour participer à cette émission. Certains réclamaient qu’on retienne absolument leur candidature, d’autres imploraient qu’on les fasse figurer dans l’hebdomadaire et d’autres encore offraient des sommes largement supérieures à celles demandées pour gagner la tête du peloton. Certains poussaient l’audace jusqu’à proposer une participation aux profits de leur entreprise. Des milliers de personnes jouaient la corde sensible au profit de leur œuvre afin de se retrouver sur l’échiquier mondial du Jeu.
- Tu ne me croyais pas, avoues ? Dis-je à Éric.
- Je dois dire que je ne m’imaginais pas que les gens étaient aussi naïfs.
- Je te l’avais dit. Il suffit de mettre le paquet et ils achètent les yeux fermés.
Je savais que notre publicité accrocheuse et nos moyens financiers grandioses inspireraient le plus grand respect. Le monde tombe facilement dans la complaisance en tenant pour acquis que le succès commande automatiquement sa réciprocité. Combien il serait facile pour moi de les exploiter maintenant ! C’est au bout de mon clavier que j’exercerais ma toute-puissance sur ce troupeau de moutons, prêt à être tondu.
J’imaginai une pléiade de stratégies pour inciter tout un chacun à contribuer à garnir mes coffres. C’est ainsi que j’offrais une gamme de forfaits suivant le moment, l’heure, le jour, la semaine, le mois de l’année pour satisfaire les besoins des clients désireux de faire parler d’eux. Le petit dix mille dollars de contribution devint le privilège d’acquérir un espace dans la grille horaire. La réputation du Jeu grandissait toutes les minutes et poussait du même coup le tarif forfaitaire à s’élever de manière exponentielle. La promesse de voir l’assistance franchir le demi-milliard d’auditeurs garantissait un public incomparable. La chance de se retrouver parmi les plus grands joueurs exigeait un cachet équivalant à l’effort fourni pour y arriver. Pour une heure entière, telle celle de monsieur Freego, il fallait maintenant allonger un million d’euros, rien de moins.