John donna raison à Stewart. La demoiselle risquait un jour de devenir complice de cet homme et d’en payer le prix. La brèche qu’il attendait depuis longtemps pour piéger le propriétaire du Princess Dream reposait peut-être entre les mains frêles de cette jeune femme.
- A-t-elle déjà mentionné le salaire qu’elle touchait ? Demanda John.
- Non ! Mais selon ce que j’en déduis, c’est au-dessus de cinq cent mille.
- Juste ciel, s’exclama John. Cela va compliquer les choses pour toi.
- Et pourquoi donc ?
- Bah ! Je disais ça, comme ça !
Stewart se mordit les lèvres. Il fanfaronnait devant son oncle sur sa situation avec la vedette, mais rien n’était moins certain. Son dernier tête à tête tenait lieu de preuve. Un équilibre fragile menaçait encore l'existence de leur relation et il se rendait compte qu’il ne savait pas grand-chose de l’amour et de ses aléas.
- Voilà qu'en plus, pensa-t-il, le salaire peut porter atteinte à mon bonheur ? Décidément !
Il songea qu’à vivre sous la tutelle de parents trop attentionnés, il n’était peut-être pas convenablement préparé à affronter les difficultés que la vie lui soumettait. Depuis sa tendre enfance, tout lui souriait. Tout ce qu’il avait entrepris reposait sur des prémisses propices à engendrer le succès et si par malheur, le sort se conjurait à le nier, ses géniteurs proposaient toujours une voie d’évitement susceptible de lui faire subtilement contourner le problème. Le voilà maintenant confronter à l’irréductible en la présence de cette femme.
Revenu à son hôtel après la funeste visite à la morgue, le regard de Stewart se perdit au loin par les fenêtres tachetées de gouttelettes de pluie. Une petite ondée balaya les rues de Monaco pour venir rafraichir les plates-bandes fleuries et ragaillardir l’atmosphère surchauffée. Le jeune homme n’avait pas le cœur à la fête.