- Oui, je vois ! Conclut Claudi excédée.

- N’y voyez rien de personnel, très chère Claudi, poursuivait le directeur qui remarquait son embarras. C’est que ce Jeu mondial de la Toile n’a jamais été tenté.

- En effet, répéta-t-elle. C’est pourquoi, nous…

- Personnellement, je crois en vous et votre talent, mais ce projet hebdomadaire est vraiment trop risqué.

- Nous espérions que...

- Comprenons-nous bien : un tel pari pourrait nous conduire à la déroute. Appuya monsieur Sanschagrin, d’un air hautain.

Un silence évocateur étrangla l’atmosphère, un court instant. Claudi en profita pour se lever de son siège et remercier le monsieur de sa franchise. Elle prit congé sans autre explication. Il la salua respectueusement, trop heureux de la voir se retirer, sans avoir pu conclure d’ententes avec TFr7, le bastion qu’il préservait de la pollution télévisuelle. L’intrusion de la gent féminine dans ce giron masculin fit rasseoir le directeur, repu de son contentement. Il ne digérait pas que la beauté de Claudi ait préséance sur la qualité de la programmation conçue par les honnêtes mâles, dont il est le fier représentant. Claudi croisa le garçon qui arrivait avec les apéritifs. Elle lui laissa sa carte de visite en mentionnant :

- Faites suivre l’addition à cette adresse, je dois malheureusement partir.  

Interdit, le serveur hésita, puis se dirigea tout de même vers la table où l’attendait le directeur.

- Dois-je vous servir, monsieur ?

- Pourquoi pas !

- Pauvre homme ! Lança Claudi pour elle, en jetant un dernier regard vers monsieur Sanschagrin qui enfilait son apéro, aux frais du Paris Monaco International.

Elle héla un taxi qui flânait au coin de l’Avenue Georges V et reprit la route de la maison.

Elle ressortait de ce rendez-vous, ennuyée. Le réseau de TFr7 lui semblait le plus approprié pour rejoindre le maximum de téléspectateurs qu’elle cherchait à toucher. Elle aurait aimé poursuivre avec Antenne 2 qui offrait déjà avec le Point de Mire un service de qualité, mais elle ne voulait pas ajouter à sa démission, l’insulte de prendre la place que son ancienne patronne détenait avec cette chaîne de télévision. Pour l’heure, elle ne savait plus sur qui jeter son dévolu. De retour, vers ses nouveaux bureaux sur le boulevard d’Italie, elle eut le temps de jongler avec plusieurs scénarios.