La recherche de la beauté est une quête que le Créateur ne s’est pas privé d’imposer à la genèse de son œuvre. À contrario, lorsque le Maître se promène de par son vaste univers, il est comme un géant qui piétine la pelouse : il n'a pas le temps de se soucier des fourmis qu'il écrase...
Ariboudine Amy, ce revendeur de matériel stratégique, comme il aime à se définir, ne se prend pas pour un dieu, mais il revendique ce qu’il sait lui revenir à juste titre. Les êtres d’exception qui naviguent les mers et océans de notre planète ne pullulent pas et ceux qui réclament un statut de caïd ne se laissent pas impressionner par les soi-disant bons pensants : ils foncent.
Ari n’a pas le loisir de s’éterniser en vain bavardage. Pour lui, le temps court et la chance de profiter des occasions vont lui manquer malgré tous les artifices qu’il conjuguera pour contrer l'impondérable. Cet humain sans âme inéluctablement vouée à la décrépitude et sans espoir de survivre à cette déchéance devra mettre les bouchées doubles pour accéder à un échelon supérieur et donner un sens à sa vie.
Il se plaindra que la joliesse est un cadeau empoisonné, que cela lui coûte la peau des fesses et que trop souvent ces créatures de rêves ne valent pas autant de peine. Il rajoutera en boutade :
- Comment écarter ces démons qui nous tiennent par la queue ?
Que dire de Claudi Robert ; véritable sylphide du canon féminin, égérie d’un homme qu’elle ne voudrait pas avoir à présenter à sa mère. La beauté lui servira-t-elle vraiment ?
La vie fonctionne-t-elle vraiment au mérite ?
Ari incarne quelque part ce sphinx évoluant à un échelon supérieur, mais sans légitimité. En réalité, il n’y a pas de vraie place pour lui. Il représente cette créature indépendante qui soigne son manque d’amour en s'attribuant des privilèges en marge des autres. Il n’aspire pas à dominer ses semblables, il voudrait juste de la reconnaissance ; celle que tout être humain souhaite se voir accorder. Cet air princier qu’il cultive n’a d’égal que sa volonté de plaire. D’aucuns diront que tout cela est pathétique.
Pour revenir à Claudi Robert, cette créature de beauté ennoblit par sa recherche de l’authenticité, elle n’aura pour se défendre que sa jeunesse, héritage que surestiment grandement ceux et celles qui l’ont côtoyé et qui la côtoient encore. La beauté est rare. Elle ne s’explique pas, elle s’impose. Certains lui ont trouvé des vertus mathématiques que nous nous sommes amusés à rendre dans le premier volet des longues aventures d’Ari Amy et d’autres, comme la majorité d’entre nous, s’y soumettent, magnifiés par cette aura que projettent malgré eux ceux qui possèdent cette qualité intrinsèques que nous leur envions tous. Il y a des beautés sauvages aussi changeantes que leur humeur et des Claudi sylphide, véritable tanagra, canon de l’esthétique. Certes, nous aimons la désinvolture, mais apprécions encore plus l’humilité quand elle est supportée par la grandeur d’âme et c’est bien ce qui caractérise cette jeune demoiselle. Nous sommes doublement touchés.
Chapitre 1
Ce retour à Montréal s’avéra beaucoup plus difficile qu’elle ne l’avait anticipé. Le monde est petit et les frasques commises sur le vieux continent la suivaient comme un fantôme malveillant. Sa carrière d’intervieweuse vedette, entreprise par le plus parfait des hasards, portait maintenant le malheur accroché à elle comme un serpent enroulé autour de son cou, prêt à l’étrangler. Son visage d’enfant sous sa crinière de cheveux roux promenait comme un étendard sa physionomie. Qui ne connaissait pas Claudi Robert ?
Qui pourraient oublier ces émissions hebdomadaires retransmises jusqu’au Canada où la demoiselle animait avec brio ses reportages sous la gouverne du Point de Mire ? Ce magazine stagnait depuis quelques années avec ses chroniques et rubriques sur les têtes couronnées et autres personnages fortunés de la haute et n’attendait que la venue d’un renouveau qui s’est finalement concrétisée avec l’arrivée de Claudi. La directrice, madame Béatrice Damien, flairant la bonne affaire avec la jeune Claudi, osa proposer à la direction un changement drastique dans la forme et le contenu de leur périodique. Son élan d’audace n’était pas dénué d’intérêt personnel ; elle, comme presque tout le monde n’arrivait pas à résister à la grande beauté de la future vedette, même si dans son cas elle portait dans son cœur beaucoup plus qu’une simple admiration pour Claudi !
Le retentissant échec du Paris Monaco International, fondé par le mentor de Claudi, monsieur Ari Amy, cloua au pilori le milliardaire au passé sulfureux et coula pour toujours les chances qu’on redemande à la jeune femme de remonter sur les planches animer quelques spectacles que ce soit. Elle le savait. Son nom, maintenant associé à celui qu’on surnomme encore aujourd’hui le caïd des caïds, ne pourrait tout simplement pas s’effacer de la mémoire collective des gens. Elle était marquée au fer rouge, de la même couleur que ce superyacht, le Princess Dream.
Lorsqu’elle descendit du taxi la conduisant de l’aéroport au centre-ville avec ce billet d’avion, aller seulement depuis Paris, Claudi ne s’attendait pas à un comité d’accueil. Fini les paparazzis la bombardant de flashs, alors qu'elle régnait telle une déesse sur la Principauté de Monaco. Certes, on s’accordait tous pour affirmer qu’elle était finalement la victime d’une épouvantable machination, menée de main de maître par cet Ariboudine Amy de malheur. Tous soutenaient que le directeur de TFr7, monsieur Gérard Sanschagrin, avait usé de tous ses pouvoirs pour incriminer la pauvre Claudi sans aucune preuve formelle. Mais, le mal était fait et la réputation si difficile à établir et qui prend souvent toute une vie, s’entachait à jamais pour elle. Il n’y a pas de fumée sans feu. Des centaines de personnes témoigneraient l’avoir vu en compagnie du grand patron, Ari Amy lui-même. Certains se feraient une joie de la torpiller, jaloux de sa beauté, de son audace ou de sa perspicacité. On ne la saluerait plus dorénavant, mais c’est plutôt la tête baissée qu’on croiserait son chemin. Qui voudrait encore s’acoquiner avec une demoiselle capable de renverser les plus gros canons des médias, tels le Point de Mire ou TFr7 ? Qui pouvait jurer de son innocence complète et entière ? Qui pourrait affronter une femme qui jouissait d’une pareille réputation ? Qui se permettrait de toucher à l’ex-maîtresse de l’homme le plus recherché sur la planète sans craindre que ce dernier use de représailles ?