Je retournai vers mon bureau reprendre mon confortable fauteuil de cuir et consultai de nouveau mon ordinateur, oubliant aussitôt mes
sombres réflexions. Mon attention bifurqua vers la candidature de monsieur Freego qui procédait au paiement du dix mille dollars, selon les formalités requises. Grâce à mon système de prélèvement
déjà en place, je pouvais, non seulement, toucher l’argent prélevé sur un compte bancaire, tel que souscrit avec une carte de crédit, mais je pouvais également accéder à toutes les transactions
fichées avec ce client. Le logiciel en ma possession me permettait de fouiller à ma guise dans la comptabilité personnelle du correspondant, dans la mesure où il effectuait une opération courante avec moi. Je reconnus immédiatement le nom du
courtier en placements vers qui Sir Alex versait des acomptes substantiels. L’opérateur financier payait des dividendes exceptionnels à ses fidèles et cela même en temps de récession. Sa
légendaire réputation traversait tous les continents et l'on s’arrachait à coup de million l’honneur de compter parmi sa clientèle. Voilà qui me fit bien sourire. Je discernais aisément la
stratégie déployée par Bernard Madoff : la fameuse pyramide de Ponzi. Je me souvenais combien j’avais empoché de billets dans le passé avec une autre escroquerie, moins connue et prénommée
DMG. Ce montage utilisait des rendements de 100% issus du trafic de drogue et de son blanchiment, mais pour une très courte période. Ceux qui comme moi retiraient leurs billes dans les trois
années subséquentes comprenaient le mécanisme d’une telle pyramide. Il fonctionne sur le dos des innocents qui le perpétuent et qui sont les derniers arrivés.
Je regardais entrer toutes les demandes de participation à ma nouvelle émission et je n’en revenais pas de la crédulité des gens. Plus je fouillais dans les comptes de tout ce beau monde, plus je voyais la cupidité des épargnants. Je reconnaissais séance tenante les montants cumulés par des héritages et qui sont souvent les seuls vrais fonds constituant la fortune des multimillionnaires. Ils la déposent à intérêt composé et la préservent pour la postérité qui l’accumule à son tour, ne vivant que des dividendes. Certes, quelques parvenus accèdent à ce stade d’enrichissement. Je générais moi même des sommes astronomiques que je dépensais royalement, faisant rouler l’économie comme personne. À l'évidence, j’occasionnais aussi quelques dommages collatéraux.
- C’est bien vrai ! Me convaincs-je. Grâce à moi, il y a beaucoup de gens heureux.